Villes et solidarités contemporaines, réflexion sur les nouvelles modalités de vie métropolitaines

Ma première démarche en amont de toute étude a été de chercher le sens des mots du thème proposé : Une ville, par définition est une unité urbaine étendue et fortement peuplée dans laquelle se concentrent la plupart des activités humaines. Une métropole est considérée comme une ville haut placée dans la hiérarchie urbaine d’un Etat ou du monde. La solidarité contemporaine, de façon plus théorique, se base sur une sorte d’égocentrisme et d’esprit libéral, distinctement à la solidarité traditionnelle qui avait pour leitmotive la sincérité dans l’acte que les acteurs sociaux posent, car la culture du groupe était plus forte.
Les enjeux du projet concerné par ce thème d’actualité reposent sur une double problématique :

_ la première est liée au développement durable, à l’augmentation continue de la population urbaine mondiale, et donc à l’urgence de propositions concrètes, applicables au plus vite.

_ La seconde est liée aux contraintes d’adaptabilité des propositions, à un contexte urbain plus ou moins chaotique en fonction de l’exemple.
Néanmoins cela reste une problématique globale bien établie et propre à une grande majorité de métropole.
En effet, il semble avéré que c’est à l’échelle de la métropole que l’on peut traiter avec le plus d’efficience les problématiques d’adéquation et de développement durable sur des espaces urbains.
Compte tenu de ces premières observations, il me semble judicieux de prendre comme laboratoire urbain la ville de Barcelone et de s’intéresser plus particulièrement au quartier de Poble Nou ; secteur industriel dans l’Eixample de Barcelone, autrefois moteur de l’économie catalane, il fait l’objet depuis près d’une vingtaine d’années d’un des derniers agrandissements du centre ville barcelonais.
Il a surtout su tirer parti d’une dynamique tel que des jeux olympiques de 1992 entre autre, pour développer ses infrastructures et consolider la structure urbaine préexistante, en prenant compte de manière réfléchie les critères déjà évoqués dans la problématique.

L’intérêt étant de tirer les leçons d’un tel exemple pour pouvoir établir une synthèse des données recueillies, et les décliner sous forme de propositions globalisables et applicables à court terme, sur des zones urbanisées choisies.

Il s’agit avant tout de bien appréhender ce phénomène de métropolisation.
1_ LA METROPOLISATION.

  • Le phénomène :

La métropolisation est un phénomène général et inévitable.

Elle apparait alors comme la traduction urbaine de la mondialisation avec un déterminisme de croissance économique et de disparités sociales de plus en plus contrasté. Même si le développement métropolitain ne s’observe pas de façon homogène, aucun pays n’échappe à ce phénomène en particulier dans les économies occidentales.
Au préalable il conviendra de distinguer trois échelles métropolitaines :

_ Les métropoles mondiales (Paris, New York, Londres) intimement liées à la globalisation et à l’internationalisation de l’économie.

_ Les métropoles continentales, de type « européen » qui ne disposent pas de la totalité des fonctions de métropolisation mondiale (Barcelone, Amsterdam, Bruxelles, Milan, Stockholm…).

_ Les métropoles régionales dont l’attractivité dépassent leurs limites administratives (Lyon, Marseille…) mais qui ne peuvent pas prétendre à ce jour à une fonction d’entraînement mondial ni même européen.

· Les déterminismes :

La métropole est aussi à l’origine de problèmes nouveaux car l’urbanisation est souvent anarchique et dispose de transports quelquefois inadaptés. Autrefois organisé souvent sous la forme d’une « ville-centre », l’espace urbain d’aujourd’hui est éclaté.
Par ailleurs, incontrôlé ou mal contrôlé, l’étalement urbain autour des métropoles est à l’origine de consommation d’espace, de congestion urbaine, de nuisances (pollution et bruit), et de coûts supplémentaires pour les services publics et les réseaux (collecte des déchets, assainissement, ramassage scolaire…).
Ainsi, les groupes sociaux précarisés à faible ou très faible revenu, sont totalement exclus du dynamisme métropolitain et localisés dans des quartiers éloignés ou enclavés, et sous équipés.
Enfin, les ‘‘villes centres ’’ qui constituaient l’espace traditionnel d’implantation des emplois deviennent saturées, obligeant de nombreuses entreprises à s’installer dans les communes périphériques, mieux dotées en emplacements fonctionnels et mieux desservies. La métropolisation génère des ségrégations sociales nouvelles et porteuses de risques d’éclatement, qui seront de plus en plus nombreuses et vraisemblablement de plus en plus violentes.
Parallèlement à cela, il faut recréer les relations entre la ville et la campagne avoisinante en dessinant des limites précises pour éviter l’extension et l’étalement urbain permanent.

Une des conséquences néfaste de ce phénomène est le mitage du aux résidences individuelles, et à la marée pavillonnaire qui détruisent le paysage, et l’identité des lieux. Ces lotissements sont d’autant plus inquiétants qu’ils sont, une fois construits, irréversibles et catastrophiques en matière de développement durable, puisqu’ils consomment de l’énergie, des espaces agricoles, des routes, du temps, les deniers publics, et surtout ils exposent leurs propriétaires à une fragilité financière.
Cette discontinuité de zones urbaines engendre donc également des problèmes liés aux transports. Il est possible et même pertinent d’afficher aujourd’hui, que la politique la plus efficace, n’est pas exclusivement une politique d’infrastructures et d’amélioration des véhicules.
La vraie problématique est à nouveau celle de l’urbanisme. En effet, le déterminant principal du système de transport est la densité urbaine :

_ Les aires métropolitaines à faible densité (Etats-Unis) connaissent une prédominance de la voiture individuelle, et une forte dépendance au pétrole.

_ Les métropoles à forte densité (Asie) ont une consommation d’énergie 4 à 7 fois moindre, et les transports publics représentent 40 à 60% des déplacements.

_ Les métropoles européennes ont une consommation d’énergie 2 à 4 fois moindre que les États-Unis, mais la voiture reste dominante dans les zones à faible densité.
Après ce premier constat général, nous allons traiter le cas particulier du secteur de Poble Nou à Barcelone, qui répond à toutes ces problématiques à l’échelle d’une métropole, de façon assez remarquable.

2_ LE MODELE CATALAN.

Le premier travail est d’observer, recenser, et faire connaître les travaux permettant de comprendre les mécanismes mis en oeuvre (études des réalisations effectuées sur la zone), l’évolution des formes de gestion politique et administrative (rencontre des personnalités compétentes locales et des responsables politique).

Il s’agit ensuite de comparer les dynamiques qui sont propres à ces espaces urbains, afin de mettre en évidence les points forts, les dysfonctionnements, et de faciliter l’approfondissement.

· Caractéristiques physiques :

Poble Nou (« Nouveau Village » construit au XIXe siècle pour loger les ouvriers de l’industrie textile), situé juste au-delà de l’enceinte de la Barcelone médiévale, fait partie de l’extension projetée par Cerdà (l’Eixample). Traversé par la Diagonal dans sa partie nord-est, situé entre la Gran Via et le front maritime, et entre le Parc de la Ciutadella et la Rambla de Prim ; Poble Nou est caractérisé par une structure viaire relativement régulière (voir plans annexes). En effet, avec l’ouverture de l’Avinguda Diagonal vers la mer, le quartier s’intègre pleinement dans le système urbain de la ville.
Le plan cadastral dévoile sa diversité par rapport au reste de l’extension Barcelonaise, au travers d’une plus grande complexité de structure foncière, due notamment à une fragmentation accrue des terrains.
Cette complexité trouve sa résonance également au plan morphologique.

Des bâtiments industriels du XIXe siècle de valeur patrimoniale se mêlent à des bureaux datant de la période franquiste, ainsi qu’à des immeubles résidentiels du XIXe de la période de l’éclectisme catalan. Parmi tout cela, l’ancien noyau du village survit autour de la Rambla del Poble Nou et de sa vie de  » faubourg « .

· Objectifs du projet :

Du point de vue historique, le quartier (longtemps dénommé  » Manchester catalan « ) s’est développé, depuis le XIXe siècle, comme un mélange d’usages industriels et résidentiels, qui ont créé un tissu urbain dense et un environnement économique productif. Sa remise en fonction aujourd’hui, constitue un des projets importants de la « troisième génération » de Barcelone. Si une première phase concernait la requalification des espaces publics dans le tissu urbain dense de la ville (1980-87), une deuxième phase, dénommée  » aires de nouvelle centralité « , venait spécifier des points stratégiques dans l’ensemble de l’organisme.
La troisième phase s’étend sur l’une des aires les plus vastes, de ce qui est aujourd’hui la sixième plus grande région métropolitaine de l’Union européenne, du point de vue démographique.
La réhabilitation du quartier de Poble Nou est le résultat de la coopération de plusieurs acteurs, sous le patronat de la Municipalité de Barcelone.
C’est un projet stratégique pour le développement de la ville (et de la Catalogne en général). Il vise entre autre la création de 3 millions de mètres carrés d’activités économiques (postes de travail ; logements ; zones vertes ; équipements), à lutter contre l’étalement urbain par des dispositions réglementaires et fiscale, et une politique affichée de développement durable vis-à-vis de l’ensemble du projet.
Ainsi, la modification du plan directeur prévoit un plan d’occupation des sols avec un zonage privilégiant l’implantation d’activités productives (’’Districts d’activités 22@’’), tout en conservant le patrimoine bâti du lieu.
Ces activités principales sont soutenues par la planification d’infrastructures :

_ Energie : Réseau électrique avec des capacités d’extensions, sources d’énergies renouvelables, canalisations centralisées d’eau chaude et froide, exploitation de l’énergie thermique de l’incinérateur et de la centrale électrique avoisinante.

_ Réseau de communications (câbles, fibres optiques, services téléphoniques centralisés).

_ Systèmes de transports internes et externes (raccordements au réseau du métro).

_ Mobiliers urbains.

· Déterminismes du projet :

Tout en se préparant à accueillir les compétitions olympiques, Barcelone s’est aussi préparée à entrer dans la compétition des métropoles européennes, à la différence de bien d’autres villes (Munich, Atlanta ou les installations Olympiques dans la banlieue de Grenoble), la capitale catalane a su franchir un moment historiquement très important dans son développement, grâce à une politique urbaine performante. Ainsi, l’évènement de 1992 et la politique d’aménagement des espaces publics, ont produit une sorte de ’’catalyseur’’ du projet urbain général, conçu sur l’ensemble de la ville. En outre, le fait de représenter une source de financement extraordinaire, et un prétexte déclencheur d’un projet urbain en gestation ; un des intérêts principaux d’accueillir les Jeux Olympiques était de redonner une logique urbaine, autre que le ’’zoning’’, avec notamment une connexion de la ville avec le front maritime.
Ainsi, le plus grand succès du village olympique et de Poble Nou, est d’avoir été pensé comme une future partie de la ville, dans le cadre d’une expérience de planification et de construction ex nihilo ; dans une ville qui théoriquement avait déjà épuisée ses ressources en sol constructible.
Aussi, avec des compétitions sportives qui duraient quinze jours, l’enjeu était alors de transformer la ville pour combler ses retards structurels et faire face au futur défi européen. Une politique de grands travaux s’en suivie, avec des interventions urbaines visant surtout à réaménager, plutôt qu’à créer de nouveaux espaces.

C’est pour cela que Barcelone a favorisé l’action ponctuelle, pour palier à la quasi-saturation de son tissu urbain.

CONCLUSION :

Devant l’ampleur du mouvement de métropolisation et son universalité, l’objectif n’est évidemment pas de le stopper ni même de le freiner, mais de l’encadrer ou de l’appuyer. Il est désormais évident qu’il constitue un facteur de croissance essentiel.

L’intérêt d’une politique nouvelle des métropoles, pragmatique et efficace, doit permettre de la soutenir en valorisant ses atouts tout en maîtrisant les dérives et les effets négatifs. Pour cela, la mobilisation doit être collective et l’effort constant.

C’est donc un appel à la Solidarité au sens général du terme, car personne ne détient la vérité absolue, et nos connaissances doivent être affinées et complétées en permanence.

Par ailleurs, pour définir en quelques mots le projet urbain Barcelonais ; on peut dire qu’il concrétise la tentative d’une politique municipale de faire sortir la ville en peu de temps, du relatif sous-développement dans lequel l’avaient maintenue quarante années de franquisme, en s’appuyant sur des éléments structuraux de la continuité urbaine préexistante.
Tout cela en amorçant un nouveau développement économique, social et culturel, qui permette à la capitale catalane de rivaliser avec les grandes villes européennes, et faire figure d’exemple à plus d’un titre pour les villes françaises.
Réfléchir sur les nouvelles modalités de vie métropolitaine est un exercice global dont la seule perspective crédible est celle du développement durable mondialisable.

 

Paul FRANCESCHI, architecte, Ajaccio

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