L’architecture traditionnelle en milieu tropical a toujours été écartelée entre les exigences du climat et les critères de confort des habitants. En dépit de l’évolution du contexte socioculturel et du déni de la deuxième moitié du 20è siècle, ces éléments restent prépondérants pour développer l’architecture guyanaise (amazonienne) de demain : respectueuse de l’environnement, soucieuse de son intégration climatique et productrice de lien social et d’égalité des chances.
L’impact de la crise
La transition vers une architecture « tradi-contemporaine » a été, longtemps, retardée par le développement généralisé de différentes typologies d’habitat répondant plus à des critères de confort qu’à la recherche de limitation de l’aspect énergivore des moyens (matériaux et systèmes) employés. Autrement dit, l’équilibre avait été rompu entre ce qui relève des habitus humains et leur impact environnemental. La crise énergétique (la fin des énergies fossiles tout comme le réchauffement de la planète) impose un nouveau regard. Il devient impossible de s’en tenir à des réalisations esthétisantes ou à des modèles métropolitains développés dans l’urgence démographique mais mal, voire pas du tout, adaptées au climat tropical. Reste le recyclage intelligent et dynamique des constructions rapportées du patrimoine local et ne nécessitant aucune technologie.
Ce savoir-faire ancestral quasiment perdu, il convient d’y substituer les ressources de l’architecture contemporaine pour réinterpréter toute la connaissance empirique de l’architecture traditionnelle et l’inscrire, dans la durée, et dans nos pratiques professionnelles d’hommes de l’art.
Des initiatives encourageantes
Dans ce contexte favorable à l’émergence d’une nouvelle conception architecturale en milieu tropical, les initiatives entreprises depuis 1996 (ECODOM, SIKODOM, QEA, …) mais également les expériences antillaises (RTG), réunionnaises (PERENE, BATIPEY) et calédoniennes (ECOCAL, RENC), semblent de nature à ancrer durablement le nouveau paradigme architectural dans nos territoires.
Ces initiatives, essentiellement des démarches, ou des réglementations ancrées territorialement, plutôt que des normes montrent que l’appropriation locale forte de la nécessaire adaptation de l’architecture au climat peut constituer une alternative efficace à l’empilement normatif. Il reste néanmoins à étendre cette appropriation aux modes d’habiter en brisant le carcan du mode de financement du logement social.
Vers une ville amazonienne durable
Mais s’il est vrai que toute réalisation architecturale, aussi soucieuse soit elle du climat, se doit au préalable d’interroger le contexte patrimonial dans laquelle elle va s’insérer afin de garantir son enracinement, force est alors de constater que le terreau qui l’accueille semble parfois bien fragile…
Cependant, la faculté des citadins de s’organiser en communauté humaine responsable à différentes échelles : l’immeuble, la rue, le quartier, doit permettre de fonder ce nouveau paradigme sur le socle d’un urbanisme équatorial durable, issu d’un nouveau regard sur l’enveloppe qui entoure cette communauté, à savoir la ville et ses composantes, elles-mêmes regardées à différents niveaux : la façade, le sol, les vides résultants, les objets meublant ce vide, la végétation, mais aussi : le vent, la trajectoire, la pluie, la lumière, … et faisant appel à d’autres techniques, d’autres savoir-faire.
Cet urbanisme durable, guyanais, est le ferment nécessaire d’une architecture contextualisée, soucieuse du confort des habitants et respectueuse de l’environnement.
Frédéric Pujol, architecte en Guyane, président du Conseil régional de l’Ordre des architectes.