La revitalisation de Pointe-à-Pitre

- par Michèle Robin-Clerc. habiter la métropole

Le centre ancien de Pointe-à-Pitre a peut-être entamé une revitalisation profonde, qui est due à un processus bien connu, mais qui, comme on va le voir, demeure encore timide.
1 – La désertification
Avant 1960, les riches commerçants de Pointe-à-Pitre avaient leur commerce au rez-de-chaussée et leur habitation à l’étage.  Dans les années 1960, la création du port commercial de Jarry draine les commerces liés au port hors du centre. Dans le même temps les terres à canne de Baie-Mahault sont déclassées et transformées en lotissements où vont habiter ces commerçants.  Le centre ville se trouve alors déserté. Pour ce qui est des petits commerces sans liaison avec le port, la création de grandes surfaces commerciales telles que Cora Bas du Fort (L’Escale, puis Mamouth…), Destreland ou Milenis, ainsi que, peu à peu, la zone de Jarry, les attirent aussi ailleurs,. Ne resteront au centre ville que quelques commerces, pour la plupart d’habillement et situés principalement dans l’ex « Rectangle d’Or » compris entre la rue Frébault et la rue Schoelcher.

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Le Rectangle d’Or
Dessin MRC, 2000

 

La désertification et la paupérisation de ce centre s’est poursuivi jusqu’à nos jours. Pour preuve l’installation de bazars chinois et autres commerces à bas prix, la multiplication des maisons de ville laissées à l’abandon, l’occupation incivique de l’espace public ou l’errance de grands clochards effilés comme des chats sauvages qui n’ont à la bouche que ce « un euro » espérant et déçu à la fois. La conséquence principale en est que la population vive, faite de familles, de promenades à la nuit tombée sur la place de la Victoire pour profiter de la fraîcheur où de convives sortant du restaurant en fin de soirée, a disparu. A 18 h, à Pointe-à-Pitre, on n’entend pas le chant des grenouilles qui s’initie mais le « vramm » harassé et victorieux des rideaux de fer que baissent avec joie des commerçants pressés. La nuit, seules 2000 personnes dorment dans le centre ancien et ce sont principalement des retraités.

2 – Les activités du centre ancien
En plus de certains commerces, il y a principalement deux activités qui sont demeurées au centre. Tout d’abord environ 70 avocats, en raison de la présence du palais de Justice, et aussi des écoles. On y trouve en effet quatre écoles maternelles, quatre écoles primaires, trois collèges et un lycée, pour un total de 4 931 élèves. Le Lycée Carnot : 800, le Collège Michelet : 784, le Collège de Kermadec : 645, le Collège Carnot : 991, l’Ecole Maternelle et Primaire Saint-Joseph de Cluny : 496, l’Ecole Primaire Amédée Fengarol 1 : 327, l’Ecole Primaire Amédée Fengarol 2 : 313, l’Ecole Maternelle Frantz Rallion : 164, l’Ecole Maternelle Bébian : 259, l’Ecole Maternelle Dubouchage : 152.

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L’enseignement
Dessin MRC, 2000

Vous comprendrez aisément pourquoi ça bouchonne aux heures d’entrée et de sortie des élèves, quant on sait que les parents n’habitent pas là. 5000 voitures qui viennent chercher les enfants et puis les enseignants qui ne marchent pas à pied…

3 – La Gentryfication
Aujourd’hui la mise en place d’une Opération Programmée de l’Amélioration de l’Habitat (OPAH) et d’une Zone Franche Urbaine (ZFU) tentent d’inverser la tendance et de faire revenir en centre ville une certaine population, c’est le phénomène de « gentryfication », du mot anglais gentry, nom de la bonne société en Angleterre, et qui désigne un processus de mutation sociale que connaissent les quartiers anciens des villes bénéficiant de politiques publiques de rénovation ; c’est un phénomène par lequel l’amélioration de la qualité du cadre de vie de ces quartiers draine des familles à revenus élevés communément appelée « bobos » (bourgeois bohêmes). C’est ce qui est en train de se passer, timidement mais sûrement, dans ce centre qui est d’une grande qualité patrimoniale et dont la localisation offre de nombreux avantages : les élèves peuvent aller à pied à l’école, les mamans faire leurs courses de proximité. A présent tous les soirs, je les vois, je les entends, des enfants jouent au ballon sur le quai de croisière et leurs cris joyeux montent dans la douceur du soir. Maintenant un petit restaurant dans un angle de la rue Schoelcher fait table ouverte le vendredi soir, c’est chez Ketsounette, allez-y de ma part. Depuis peu des architectes de mes amis ont investi la Tour Massabielle et un avocat que je connais habite sur le quai de Lesseps.

4 – Conclusion
Il faut aider et encourager ce mouvement en évitant la tentation du logement social qui déjà enserre le centre. Une offre d’habitat de standing ou intermédiaire serait très bien accueillie par des familles plus aisées, notamment en accession à la propriété. De même des squares plantés et des cœurs d’îlots végétalisés permettraient la promenade et le repos, à pousser des nourrissons dans des landaus, à manger un sorbet coco avant d’aller voir un film au cinéma Renaissance.
Et l’on se prend à rêver d’une nouvelle petite Venise des Antilles.

Michèle Robin-Clerc, architecte, Guadeloupe

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Un commentaire au sujet de « La revitalisation de Pointe-à-Pitre »

  1. Nico JB

    Habitant(e) - Ville < 50.000 habitants - 97170
    bonjour
    tout a fait d’accord avec vous !
    Quand aurons nous des élus enfin responsable avec une vision pour l’avenir de notre pays ?

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