Repositionner l’architecture dans le monde

- par Cloud de Grandpré. habiter la métropole

Deux sujets caractérisent les préoccupations des professionnels exerçant à la fois dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme, et qui rejoignent largement celles de nombreux habitants de notre pays : la pénurie de logements, notamment en zones très denses et urbanisées, dites « tendues » ; et la sur-consommation non maîtrisée d’espace notamment agricole et naturel par l’urbanisation. Deux questions, si l’on n’y prend garde qui bien sûr ne manqueront pas de provoquer de nouvelles contradictions et des blocages générant des insatisfactions et des conflits.

Ces deux sujets sont connectés par au moins trois choix de modèle de société qui leur sont communs :

- Le triple basculement du financement du logement de la pierre à la personne, du collectif à l’individuel, du public au privé par le jeu de la fiscalisation.

- La politique de peuplement visant explicitement le desserrement puis la reconquête des espaces urbains, d’abord centraux puis maintenant péri urbain, au bénéfice d’un renouvellement vers le haut des catégories socioprofessionnelles, reléguant encore plus loin et plus dispersés les foyers les plus fragiles.

- L’indexation des choix d’implantation/de développement de l’urbanisation aux intérêts fonciers privés, au travers de la déprise du foncier public et de la décentralisation de la décision urbaine avec de trop rares relais intercommunaux.

Par-delà les options politiques et les approches historicistes, l’architecture se nourrit, s’inspire du « déjà-là » :

- Avec la présence du collectif des habitants, des citoyens, des instances de projet territorial lorsqu’elles ont émergé ;

- Avec le caractère de bien public de l’espace du même nom : ce qui vaut sans doute à la qualité de la conception architecturale d’être d’intérêt public.

- Avec la matérialité des villes et des paysages qui accueille les constructions, urbanisations et aménagements, et dont l’environnement est largement façonné par elle.

Ne peut-on considérer que la reprise en compte de ces critères puisse contribuer à insuffler un esprit, une démarche innovante en matière de conception du logement, de l’habitat, de la ville et des paysages ?

Au sens où l’expertise d’usage, la maîtrise d’usage, doivent pouvoir dire le programme mais surtout inspirer aux créateurs un rapport différent au monde, leur permettant une autre approche du réel ?

On est là dans des approches anthropologiques ou philosophiques défendues par exemples par :

- Philippe Descola, professeur au collège de France qui appelle dans « par delà nature et culture » à l’établissement de nouvelles relations entre collectifs humains et l’ensemble des existants.

- Augustin Berque géographe, lorsqu’il évoque les relations des collectifs humains avec l’espace qu’ils façonnent et habitent à la fois dans « Œcoumène (l’espace habité)».

Nos universités peuvent contribuer à repositionner l’architecture dans le monde.

Cloud de Grandpré
architecte et urbaniste
Président du réseau des maisons de l’architecture et Membre correspondant de l’Académie d’Architecture

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