Dans les années 30, Ali Tur avait dessiné un plan d’extension de Pointe-à-Pitre et on peut voir qu’il avait prolongé non pas seulement la rue Frébault comme c’est le cas aujourd’hui par le boulevard Légitimus, mais aussi les rues Nassau, Jean Jaurès/Henri IV, Schoelcher, Nozières et autres. Lorsque Creveaux et Tessier ont réalisé le plan d’urbanisme de la RUPAP (Rénovation Urbaine de Pointe-à-Pitre) dans les années 60, ils étaient dans le droit fil des thèses de Le Corbusier et de la Charte d’Athènes avec tours, barres et zonings de toutes sortes.
Ali Tur, Plan d’extension de Pointe-à-Pitre, années 30
En effet, comme on le sait, les activités humaines étaient sectorisées par zones : Habiter, Travailler, Se recréer (loisirs, culture) et Circuler. Comme s’il n’était pas possible de travailler chez soi tout en y regardant parfois la télévision pour se divertir ou de lire pour se cultiver, tout cela dans un immeuble devant lequel il y a une rue où passent les voitures. Pour les architectes et urbanistes de ce courant en effet, la rue devait disparaître et Le Corbusier a dit : « Il est temps de répudier le tracé actuel de nos villes par lequel s’accumulent les immeubles tassés, s’enlacent les rues étroites pleines de bruit, de puanteur de benzine et de poussière et où les étages ouvrent à pleins poumons leurs fenêtres sur ces saletés. »
Des rues barrées
Ainsi le plan de Creveaux et Tessier a « barré » à proprement parler les rues du Centre ancien sans aucun respect, aucune humilité, dans un dogmatisme aveugle. À un habitant des barres Henri IV à qui l’on demandait, selon lui, d’où venait le nom du quartier Bergevin il répondit : « C’est sûrement celui d’un architecte fou » ! C’est dire l’incompréhension que peut susciter ce type d’urbanisme chez ses usagers.
Creveaux et Tessier, Plan d’urbanisme de la RUPAP, octobre 1961
Avec les opérations ANRU (Agence Nationale pour le Renouvellement Urbain) des années 2000, des fonds très importants ont donc été dédiés par l’Etat afin de refaire « la ville sur la ville ». L’importance des sommes proposées est telle qu’ont été mis en œuvre des chantiers de construction-démolition-reconstruction, comme l’opération qui a consisté à démolir les barres Henri IV et à reconstruire des logements à l’emplacement du stade de Pointe-à-Pitre.
La RUPAP a « barré » les rues du centre ancien, photo MRC, 1980
Or il est possible, en utilisant des crédits moins importants, de faire des projets plus fins, qui consistent à démolir certaines parties des groupes d’immeubles, à en réhabiliter d’autres et à revaloriser les espaces extérieurs : espaces verts, fontaines, pistes cyclables, chemins piétonniers, bassins de rétention des eaux de pluie… Ainsi, dans le cas de la RUPAP, on peut assez facilement détruire certains morceaux de tours ou de barres afin de recréer la continuité des rues Nord-Sud du Centre Ancien, ce qui ouvrirait des perspectives, des ventilations et des évacuations de secours en cas de catastrophe majeure.
Conclusion
Alors le tracé ainsi reconstitué des rues et des anciens faubourgs, que l’on peut voir matérialisés sur la carte de Pointe-à-Pitre en 1935, donnerait du sens à la ville et remettrait de l’histoire et de la mémoire dans le pas des citadins.
Michèle Robin-Clerc, architecte, Point-à-pitre
Architecte - Ville > 50.000 habitants - 34000
Merci pour cette contribution argumentée qui nous fais voyager…
Je me suis permis de « récupérer » tes cartographies pour les montrer à l’occasion à mes étudiants.
Finalement les problématiques urbaines d’aujourd’hui à Pointe à Pitre ne sont pas éloignées des nôtres en métropole : trouver du lien à travers les époques historiques qui ont façonnées nos villes, et donner une lisibilité à nos nouveaux quartier.
Je vois un progrès important dans l’effort moderne que l’on fourni pour faire accepter par les usagers les principes de densité et de respect de l’environnement que nous partageons.…
Architecte - Ville < 50.000 habitants - 97
AIMER POUR ETRE AIME….
Merci Michèle pour cette contribution, pour avoir pris le temps de nous montrer ce magnifique plan du projet d’extension de la ville de Pointe à Pitre par Ali Tur.
Mais tu sais, il y aura encore beaucoup de projets qui apparaissent comme « fous » aux yeux des habitants; regardes ce qui a été fait au Moule avec le quartier de Damencourt! des patates en extension d’une ville à damier: pourquoi? pourquoi faire ? et pour qui ?
J’ai tendance à dire intuitivement que c’est notre EGO qui nous empêche de donner aux gens « juste ce dont ils ont besoin ». il est vrai que dans les écoles on forme nos jeunes confrères à ne créer que des images, en leur laissant croire que notre beau métier consiste avant tout à ne vendre que du spectaculaire!!!
Pourquoi ne pas leur apprendre d’abord à finir ce qui est bien fait et que d’autres avant nous n’ont pu terminer , faute de temps ou de moyens ?
En fait mon intuition me dit que si l’EGO en numérologie correspond au chiffre 18/9 , soit en Feng Shui à la notoriété, à la réputation, et que le 9 dans notre corps siège à la place du Coeur, cela pourrait signifier que si nous cherchons tant à attirer le regard des autres, c’est parce que nous avons besoin de nous sentir aimés ?
oh la la… les architectes souffriraient’ils d’un manque d’Amour ?
Mais nous, quelle preuve d’Amour donnons nous aux gens qui habitent ou travaillent dans nos « oeuvres » ?
Quelle preuve d’Amour donnons nous à nos confrères lorsque nous intervenons sur une de leur oeuvre » ?
Désolée de répéter ce qui peut paraitre une banalité, mais dans l’Univers du TAO qui est le nôtre , il faut donner pour recevoir: AIMER POUR ETRE AIME
Michèle je te remercie et t’envoie une pensée d’Amour!!!!
Françoise.