Depuis la présentation en Conseil des Ministres, le 30 juillet dernier, du « Projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte » porté par la Ministre de l’Écologie Ségolène Royal, les annonces concernant la filière du bâtiment se multiplient : « Plan de relance de la construction » le 29 août; entrée en vigueur de l’« éco-conditionnalité » pour la rénovation énergétique le 1er septembre; dérogation aux Préfets pour « débloquer » des permis de construire; soutien aux « maires bâtisseurs »; etc. Comment et dans quelle mesure les CAUE, à travers leur rôle singulier de conseil aux élus et aux particuliers, doivent-ils prendre part à cette politique volontariste ?
A. Les CAUE et la transition énergétique
Des logements moins coûteux en énergie….
1872 euros : c’est le montant moyen des dépenses énergétiques des Français pour leur logement en 2013, en augmentation de 100 euros par rapport à 2012 (source : Ministère de l’Écologie). Pour faire baisser durablement la facture, le gouvernement s’est donné pour objectif la rénovation de 20 millions d’habitations mal isolées au rythme de 500 000 logements par an. Au programme : des incitations financières étendues et simplifiées pour les particuliers sous la forme d’éco-prêt à taux zéro et de crédit d’impôt. Rien que de très classique, si ce n’est que ces aides publiques sont, depuis le 1er septembre pour l’éco-PTZ et au 1er janvier 2015 pour le CIDD —, conditionnées à la réalisation des travaux par un professionnel « RGE ».
La nouveauté devrait venir de l’implication des collectivités qui se porteront candidates pour piloter des « plates-formes » de la rénovation énergétique. Celles-ci ont vocation à aider les particuliers qui veulent rénover leur logement à monter un dossier et à choisir un architecte, un artisan ou une entreprise qualifiée. Elles pourraient aussi, par un système de tiers-financement qui reste à préciser, avancer une partie des dépenses pour les particuliers. Les CAUE et les Espaces Info Énergie rattachés à des CAUE, avec le soutien de l’ADEME, ont naturellement vocation à rallier ces plate-formes aux côté des professionnels du bâtiment et des services de l’État (ABF notamment) qui se retrouvent déjà autour de la table de leurs conseils d’administration. En effet, depuis bientôt près de 40 ans, les CAUE créés par la loi sur l’architecture de 1977 accompagnent élus, particuliers et professionnels engagés dans des projets de construction et de réhabilitation afin de promouvoir une architecture et un urbanisme de qualité. Par expérience, les architecte-conseils des CAUE savent que pour générer de réels gains énergétiques et, partant, alléger la facture des Français, des travaux de rénovation efficients ne peuvent être engagés sans une approche globale.
… mais sans céder sur la qualité
Changer une chaudière au fuel par une chaudière « verte » dans une maison-passoire où l’on constate d’importantes fuites d’énergie, par exemple, est une réponse inadéquate. De même, renforcer une isolation ou changer les fenêtres sans réfléchir au renouvellement d’air qui doit l’accompagner peut se révéler problématique, voire dangereux. Seuls un diagnostic de l’existant et une étude approfondie de l’ensemble des critères de qualité (enveloppe du bâti, ventilation, chauffage, qualité des espaces intérieurs, valeur patrimoniale du bâti) peuvent conduire à un plan de travaux cohérent. Cette approche globale nécessite de mobiliser les compétences de chacun des acteurs du bâtiment, de l’architecte aux artisans et entreprises qualifiées. En effet, pas de performance énergétique sans amélioration du confort de vie des occupants et respect de la qualité architecturale, car les trois marchent de concert, à plus forte raison dans une optique « durable ».
Dans les CAUE dotés d’un Espace Info-Énergie, des conseillers dispensent des conseils gratuits aux particuliers sur les économies d’énergies et les énergies renouvelables. Certains de ces conseillers ont été « testés » sans le savoir par la revue UFC-Que Choisir à l’occasion d’une enquête récente portant sur la rénovation thermique des bâtiments (Que Choisir n°526, juin 2014), dont un conseiller du département du Gard. Sollicité par les occupants d’une maison des années 1960 désireux de réduire leur facture de chauffage, le conseiller Info-Energie a fourni, selon Que Choisir « une analyse exhaustive avec les principes à respecter, l’ordre dans lequel il faut intervenir ». Dans son commentaire, la revue souligne que l’analyse du conseiller « permet de structurer l’approche et de savoir ce qu’il faut exiger des entreprises ». Les CAUE et les Espaces Info-Energie, sans se substituer aucunement aux maîtres d’œuvres, ne seraient-ils pas les facilitateurs dont la transition énergétique a besoin pour réaliser ses ambitions ?
B. Les CAUE et la relance de la construction
Construire plus, à coûts plus faibles et plus rapidement…
Le 29 août, c’était au tour du Premier ministre Manuel Valls, aux côtés de la Ministre de l’Écologie Ségolène Royal et de la Ministre du Logement Sylvia Pinel, de présenter un « Plan de relance du logement », en complément des mesures déjà annoncées le 25 juin. Enjeu de ce plan : redonner confiance au secteur du bâtiment plombé par la crise, alors que 3,5 millions de Français restent en attente d’un logement convenable. Simplifier les règles de construction pour construire plus, à coûts plus faibles, et plus rapidement, est la ligne directrice de ce plan plutôt bien accueilli dans l’ensemble par les acteurs du bâtiment. Les logements sociaux sont les premiers visés, avec un objectif de 30.000 unités à créer dans les 5 prochaines années. Pour cela, le Premier ministre a brandi l’application dès le 1er janvier 2015 des pénalités renforcées prévues par la loi SRU pour les communes ne respectant pas leurs obligations. Une mesure dissuasive à laquelle s’ajoute, pour les maires récalcitrants, la « menace » d’une ingérence par les Préfets. A partir du 1er janvier 2015, les préfets pourront se substituer aux maires pour délivrer des permis de construire dans les communes ne construisant pas de logements sociaux. Le permis de construire, ce précieux sésame sur lequel achoppent encore trop souvent des candidats à la construction, est une problématique que traitent au quotidien les architectes-conseillers des CAUE lors de leurs assistances gratuites aux particuliers. Leur connaissance de la réglementation mais aussi de l’insertion urbaine et paysagère, et des contraintes patrimoniales, permet de « sauver » nombre de projets qui seraient passés à la trappe sans leur intervention. Mieux, leur souci constant de la qualité dope l’innovation, en soutenant des projets audacieux du type intervention contemporaine dans un bâtiment ancien en secteur préservé. Le Plan de relance prévoit de raccourcir les délais pour l’obtention des permis de construire. L’action que mènent déjà les CAUE peut contribuer à la mise en œuvre réaliste de cette avancée.
… oui, mais, pour quel urbanisme ?
Une autre condition pour construire plus est la libération du foncier. Le gouvernement a annoncé des avantages fiscaux exceptionnels pour les propriétaires libérant du foncier privé. Si construire plus est une nécessité, et la simplification des normes de construction une méthode pour y parvenir, reste la question du « comment ». Quel urbanisme veut-on voir émerger ? Dans les CAUE, quels que soient l’échelle du projet et le milieu (urbain, périurbain, rural), les conseils aux maîtres d’ouvrages intègrent systématiquement des préoccupations liées à l’histoire des lieux, mais aussi aux usages et aux enjeux environnementaux, dans une démarche d’urbanisme durable. Ils préparent, en amont et en concertation avec l’ensemble des partenaires, les conditions nécessaires à l’émergence de projets de qualité. Ils mettent en œuvre des méthodes et des analyses qui permettent aux maîtres d’ouvrages de définir leurs objectifs d’aménagement et d’engager des démarches de planification ou de valorisation de leur territoire. Les mesures de la loi Alur contre l’étalement urbain et pour la densification rejoignent leurs préoccupations, de même qu’ils font la promotion des solutions alternatives au « tout pavillonnaire » par l’habitat groupé participatif, l’éco-quartier ou encore la revivification des centres anciens.
La qualité architecturale, urbaine et paysagère se construit dans un dialogue entre tous les acteurs du cadre de vie qui se retrouvent, de fait, dans les conseils d’administration des CAUE. Ces derniers sont à cet égard des facilitateurs. Ils sont donc pleinement légitimes pour accompagner la dynamique impulsée par les pouvoirs publics dans la construction et la rénovation, dans la mesure des missions qui leur sont confiées et de l’éthique qualitative qui leur est constitutive.
CAUE de l’Aude