Pour de nouvelles typologies d’habitat dans les procédures de lotissements

- par Dominique TESSIER. habiter la métropole

L’essor de la production du logement n’est pas seulement une réponse technique envers ceux qui ont besoin de se loger ou de se reloger mais aussi une disposition qui concerne toute l’économie sociale. La part du coût du logement dans l’économie des ménages grève le pouvoir d’achat qui en retour freine la consommation et par conséquence bride le développement et la croissance économique.

L’essor de la production du logement est donc une clef de la relance économique qui trouve sa place entre une augmentation des impôts qui a eu lieu en 2013, une stagnation des revenus du travail qui se poursuit depuis plusieurs années et la nécessité de relancer la consommation des ménages pour obtenir de la croissance et résorber le chômage. L’intérêt d’une politique ambitieuse de construction de logements est qu’elle satisfait à un besoin massif et qu’elle pourrait engendrer un développement économique qui dépasse largement le secteur du bâtiment.

La relance de la construction de logement butte néanmoins sur des contradictions qui ne tiennent pas qu’aux prix élevés du foncier ou de la construction ou encore des délais liés aux procédures. Chaque variable à un poids relatif mais se croise avec une autre de caractère culturel qui réside dans les choix typologiques des formes d’habitat.

En France, depuis plusieurs décennie comme dans le reste de l’Europe, la maison individuelle, pour des motifs idéologiques d’une part, des incitations politiques répétées, mais aussi parce qu’elle satisfait à des usages et qu’enfin sa construction a fait l’objet d’une rationalisation totale, reste le produit immobilier le plus prisé. La maison individuelle ou «pavillon », est identifiée par les sociologues comme permettant la mise en oeuvre de modèles culturels, et notamment le découpage privé-public et des espaces « sexués »¹ ; l’individualisation des espaces permettrait à chacun d’être « soit même », etc. ²

Pourtant, plus nombreux sont désormais à penser que le lotissement, en tant que forme urbaine destinée à produire une maison individuelle par ménage est écologiquement insoutenable car il provoque consommation d’espace au détriment des terres agricoles et naturelles, artificialisation des sols, le développement inconsidéré des réseaux, les déplacements massifs en automobile, surconsommation de matières premières, augmentation des inondations, diminution de la ressource en eau potable, augmentation de l’absorption des rayonnements solaires qui participent au réchauffement climatique, disparition définitive de terres agricoles, diminution de la biodiversité, etc.

Ce cortège de conséquences négatives sur l’espace naturel auxquels s’ajoutent l’éloignement des services incompatible avec le vieillissement de la population n’a pas encore permis de supplanter la suprématie de cette typologie d’habitat.

Si l’habitat collectif fait évidence en centre ville, il ne parvient pas à s’imposer en périphérie et dans l’idéal de la plupart des individus. Cette inclinaison pour la maison individuelle « hors sol » résulte d’une politique qui trouve son origine dès l’époque industrielle et s’est continuellement développée sous l’empire de l’idéologie « d’individuation des besoins ».

Cette idéologie a cassé nombre de ressorts de la vie collective nés de la société du XIX° siècle. Elle est peu critiquée parce qu’elle satisfait l’ego et va à la rencontre du génome et ne trouve pas -au niveau de l’habitat- en France d’alternative d’ampleur.
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La récente loi ALUR met néanmoins à disposition des collectivités territoriales des outils réglementaires pour limiter la consommation de terres arables et l’étalement urbain.

Il appartient aux architectes de profiter de cette opportunité pour offrir aux élus locaux, investisseurs et maîtres d’ouvrage des typologies d’habitat qui conjuguent les vertus de l’individuation et du collectif dans par densité d’occupation de sols très supérieur à celle de la maison individuel dans le secteur diffus mais aussi celle des lotissements.

A quelles conditions peut-on faire évoluer cette culture et l’urbanisme a la française qui l’accompagne ? Sur quel autre typologie d’habitat les architectes peuvent-ils contribuer à faire évoluer les choix des demandeurs de logements et des maîtres d’ouvrage ? Entre collectif et individuel l’habitat dit « intermédiaire » peut attirer parce qu’il additionne des vertus des 2 genres ?

Par cette politique d’offre architecturale les architectes se donneraient également un moyen de reconquérir un domaine économique qui leur échappe largement.

Densité & individuation.
Des architectures qui constituent des ensembles denses et répondent à des attentes d’individuation et constructivement «rationnel » existent, elles ont été expérimentées et donnent des satisfactions avérées (maisons en bande, petits collectifs, etc.). Comment les développer ? Sur quel levier agir ?

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COMMENT FAVORISER LES MORPHOLOGIES QUI CONCILIENT LES QUALITES DE LA MAISON INDIVIDUELLE ET CELLES DU COLLECTIF ?

Les ressorts principaux de l’attirance pour la maison individuelle sont culturels et se présentent selon des affirmations différentes :
- des critères d’usage : plus de place, plus facile à transformer, agrandir etc ; pas de voisin direct,…
- des critères économiques : moins cher en investissement
- des critères psychologiques et sociaux : faire sa maison soi-même ; vivre dans un « entre soit »

Plusieurs manières de faire à la française font obstacles et nécessites que des propositions soient faites pour les faire évoluer.
- Les procédures qui séparent l’autorisation de viabiliser et de lotir de celle de bâtir.
- Quelles solutions alternatives peut-on proposer ?
- Les documents locaux d’urbanisme en vigueur sont généralement à l’opposé de la densification, COS très bas, recul par rapport aux limites.
Comment les adapter ? A quel rythme ?
- Comment définir le type ? Les morphologies adaptées ? Quelle incidence aurait sur le coût de construction, de vente, de location, de privilégier les typologies d’habitat « intermédiaire ?
- comment les rationaliser pour obtenir un coût similaire ? quelle est l’échelle soutenable (nombre de logements par groupe) socialement/économiquement.
- A quelle échelle peut-on introduire des équipements communs ?
- Comment et quand introduire une concertation avec les acheteurs ou locataires pour personnaliser les choix en fonction des besoins et des coûts individuels ;
- Le guides officiel de l’Etat ne montre l’exemple anglais que sous ses versants peu denses, (DGUHC « 35 exemples pour réussir un lotissement » 2006 est très en deçà, par exemple, du manuel du CAUE 67 de 2007³).
- Le BRAP (DGP) mène actuellement une étude sur 350 lotissements du XX° siècle comment relayer et orienter les retombées de cette étude, sur des guides et des contraintes réglementaires ?

La première université de l’architecture organisée par le CNOA est une occasion de relancer ce débat avec les élus, les professionnels et le public.

Notes :
1.Raymond H., Haumont N., Raymond M.-G., Haumont A., L’habitat pavillonnaire. Haumont N., Les pavillonnaires. Etude psycho-sociologique d’un mode d’habitat. Raymond
M.-G., La politique pavillonnaire., Revue française de sociologie, 1968, vol. 9, n° 2, pp. 269-274
2. François de Singly,
Politiques de l’individualisme, avec Philippe Corcuff et Jacques Ion, éditions Textuel, Paris, 2005
3. Auteur : C.A.U.E. du Bas-­‐Rhin; Edition : Strasbourg, CAUE du Bas-­‐Rhin, 2ème éd. 2007, 52p., ill. en coul. « Dans le but d’améliorer la qualité des lotissements d’habitation, cette brochure présente des exemples, et des pistes pour lotir autrement ».

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