Le Conseil national de l’Ordre des architectes a participé aux différents groupes de travail mis en place par le gouvernement pour atteindre l’objectif des 500 000 logements à construire annuellement. Dans ce cadre il a émis un certain nombre de propositions qui concernent l’usage des lieux, les besoins des citoyens, les raideurs administratives et de gestion du parc social, l’évolution de notre société et la défiance des ménages face à la crise. Nous sommes partis de ces constats et de nos expériences d’architectes pour élaborer des propositions très concrètes qui ont souvent déjà été expérimentées avec succès dans d’autres pays européens.
La situation est celle d’une accélération des mutations sociétales avec l’accroissement des inégalités, et des clivages au sein d’une société à plusieurs vitesses. Le déficit de logements sociaux, les changements dans les structures familiales, l’évolution des parcours résidentiels, les préoccupations environnementales et l’état des systèmes constructifs, les prix du logement, la multiplication des règles et normes… forment le contexte de ces propositions.
Est-ce à dire que l’architecte n’a plus de marge pour concevoir et rien à inventer? Et que des bureaux d’étude ou des entreprises pourraient se substituer aux architectes?
En fait, le rôle de l’architecte est multiple et primordial. Il consiste à:
-aider les maîtres d’ouvrages à penser l’évolution des villes et des quartiers
-participer à l’élaboration des règles urbaines
-participer à l’élaboration des programmes
-conjuguer toutes les contraintes au sein d’un projet de qualité s’inscrivant dans un site à chaque fois unique
-optimiser le foncier en exploitant au mieux les potentialités du site et le PLU
-inventer de nouvelles formes d’habiter collectivement et d’habiter individuellement
-concevoir des logements durables, optimisés et économiques en investissement et gestion
-inciter la maîtrise d’ouvrage à lancer des opérations expérimentales
Ce qui doit changer : construire plus, moins cher et mieux :
- Chaque territoire nécessite une approche spécifique et une politique urbaine et de l’habitat adaptée.
- Il faut une politique foncière qui régule la spéculation foncière et une stratégie urbaine intercommunale
- Simplifier le processus de construction et limiter les rôles intermédiaires: AMO, AMO Environnement, Qualitel, Cerqual…
- Encourager les modes constructifs alternatifs favorisant une plus grande souplesse de construction et une évolutivité ultérieure des logements : Poteaux/poutres, Bois, Déchets, Torchis, etc…
- Développer l’habitat participatif abritant des populations diverses et des foyers intergénérationnels
- Définir autant que possible, pour obtenir une économie d’échelle, une taille moyenne d’opération supérieure : 30 logements plutôt que 10,
- Expérimenter de nouveaux modes d’habiter adaptés à chaque contexte , éviter la recherche d’une diversité à tout prix qui engendre un habitat cher ou de pacotille. La simplicité et la rigueur sont de meilleure facture et moins chères.
A/ Dans les zones urbaines denses
Les demandes en logements concernent surtout les métropoles et, parmi elles, la région parisienne, avec ses spécificités. Mais les tissus historiques sont figés et offrent peu d’opportunités d’évolution ou de mutation. C’est pourquoi, il faut y expérimenter de nouvelles formes d’urbanisations.
Les propositions :
- Lier habitat et emploi
- Concevoir des quartiers sans voitures
- Penser les solidarités
- Proposer de petits logements en centre-ville
- Concevoir un habitat souple dans son utilisation
- Produire un habitat évolutif et divisible
- Réserver des places aux étudiants au sein des quartiers et des immeubles
- Transformer des bureaux en logements
- Etendre des combles
- Optimiser les PLU et les cœurs d’îlot
- Créer la ville verte
Ces propositions ne sont ni exhaustives, ni des modèles. Chaque site, chaque programme nécessite une réflexion particulière et un projet spécifique.
B/ Dans le périurbain
Si l’on analyse les évolutions démographiques actuelles, on s’aperçoit qu’en France, les métropoles attirent mais le développement de l’habitat se fixe en périphérie lointaine des agglomérations avec un étalement urbain considérable et une urbanisation contraire aux objectifs de développement durable, alors que la population des grandes villes, pour la plupart, stagne. Comme les villes historiques ne peuvent accueillir toutes les demandes, il faut densifier les 1ère et 2ème couronnes. Les zones de faubourg, les zones péri-urbaines proches des centres historiques, ainsi que certaines zones pavillonnaires, demeurent aptes à recevoir des transformations urbaines, porteuses à la fois d’espaces communs de qualité et de densité. Il n’y a pas de pénurie de foncier mais pénurie de droits à bâtir et ce sont les règles urbaines qui déterminent les droits à bâtir. Il ne s’agit donc pas uniquement de trouver des terrains vierges à construire mais de définir des stratégies sur la Ville qui la valorisent en favorisant la construction. Ceci peut se faire avec les SCOT et les PLU. Par ailleurs, les grands ensembles eux-mêmes sont peu denses, bien équipés et peuvent souvent être densifiés.
Les propositions :
- Réhabiliter plutôt que démolir
- Promouvoir l’habitat participatif
- Promouvoir le logement intermédiaire dans les grands ensembles
- Promouvoir le logement intermédiaire
- Promouvoir un habitat évolutif et divisible
B/ En milieu rural
Il existe aussi des demandes de logements dans des petites communes, mais le marché est moins tendu et la proportion de mal logés ou demandeurs moins importante. Il s’agit là essentiellement de conforter le tissu existant et d’éviter l’étalement urbain. De permettre aussi les solidarités familiales et villageoises.
Les propositions :
- Conforter le tissu ancien – favoriser la densité dans les plu
- Favoriser l’habitat groupé et autogéré
- Privilégier la mixité et une « densité heureuse »
- Promouvoir du logement intermédiaire dans les lotissements
- Le stationnement automobile: limiter et innover
- Accompagner l’habitat de lieux de vie
>> Télécharger l’intégralité du document : De nouvelles formes d’habiter
par Cristina CONRAD, Architecte DPLG et Urbaniste DIUUP
Architecte - Village - 71390
Je ne suis pas certain qu’il soit indispensable de répéter les premières préoccupations de cet article, apparemment cycliques, puisque je pourrais vous retrouver quasiment les mêmes, formulées un peu autrement à l’époque de l’essor de la préfabrication, dans les années 60 :
- l’architecte n’a-t-il plus de marge pour concevoir et rien à inventer ?
- des bureaux d’étude ou des entreprises pourraient-ils se substituer aux architectes ?
Ci-dessous, je réagis brièvement et point par point aux différentes propositions :
0 – « Ce qui doit changer, construire plus, moins cher et mieux » : on est tous d’accord, y compris et surtout les politiques ;
1 – points 1, 2, 3 : j’ai cru comprendre qu’il s’agit ici des universités d’été « d’architecture » et non du parti Y ou Z ou de l’assemblée Nationale.
4 – « Encourager les modes constructifs alternatifs » : là on devrait pouvoir agir, sauf qu’on est fortement limités par le savoir faire des entreprises, et donc par leur formation, sur laquelle on n’a pas la main…
5 – « Développer l’habitat participatif (…) foyers intergénérationnels » : magnifique, mais cf. programmistes & maîtrise d’ouvrage
6 - » taille moyenne d’opération supérieure » : ce serait rajouter une règle difficilement applicable, car la taille d’une opération dépend plutôt du parcellaire et du PLU ; en plus, penser que les gains d’échelle sont supérieurs à 30 unités qu’à 10 est une vue de l’esprit : en réalité, à 10 logt, on a des entreprises locales qui répondent, qui travaillent honnêtement et savent tirer leurs prix, alors qu’à 30, on a affaire aux groupes de BTP, et là ce sont eux qui dictent leur loi !
7 – « La simplicité et la rigueur » : bases d’une bonne architecture, on est tous d’accord et ça arrange la maîtrise d’ouvrage
A1 à A4 puis A7 à A11: cf. élus, programmistes & maîtrise d’ouvrage
A5 & A6 : « Concevoir un habitat souple, évolutif et divisible » : on est tous d’accord, mais cf. maîtrise d’ouvrage
Suite des « propositions » : elles reposent sur des décisions pour lesquelles l’architecte n’a pratiquement jamais son mot à dire.