Marseille l’antimétropole : ville météoritique, ville fragmentée

- par Danielle GIL, architecte. habiter la métropole

Les notions de limite, fragmentation, mobilité, densité, centralité sont des termes courants utilisés dans le cadre du projet urbain. Dans un contexte de globalisation et de mondialisation, ces notions participent aujourd’hui largement à la fabrication de la ville technocratique. Ces visions pragmatiques et machinistes de la ville issues des prises de position de l’Architecture Moderne ont-elles encore leur raison d’être dans une réalité de plus en plus complexe ?

Même si aujourd’hui l’uniformisation de penser et d’être gagne le planète, même si le formatage menace les individus, les villes du XXIème siècle ont-elles un destin commun ?

Dans des sociétés bouleversés par l’uniformisation et l’interconnexion, on assiste à un nouvel ordre mondial. Existe-t-il aujourd’hui un nouvel ordre spatial des villes remettant en cause le résultat d’un long processus qui s’enrichissait des modèles passés ? Le modèle, peut-il alors être autonome ?

N’est-ce pas une hérésie que de vouloir imposer à cette ville ancienne de plus de vingt-six siècles une vision technicisée et mondialisée ?

Marseille. Veut-on en faire une ville laboratoire? Veut-on qu’elle ressemble à Shanghaï ou autre ville phare avec des bâtiments d’architectes-stars ?

Marseille résiste malgré les OIN les EPAEM, les AFU les ANRU…Pourquoi devrait-elle ressembler à Rotterdam ou à New-York ? Devenir le premier port européen dans une course épuisante qu’elle a déjà perdue ? Devenir une ville clean, aseptisée et sans âme ?

Elle est une ville anormale, chaleureuse, généreuse, violente, colorée, indomptable, insoumise, rebelle à l’image de ses habitants au langage coloré et à l’accent si incarné.

Elle est profondément la ville de Pagnol. La cité multiculturelle qui a tellement accueilli. Les technocrates mondialisés se succédant à son chevet ne réveilleront pas de sa léthargie cette belle endormie. Parce que au fond d’elle, est ancrée une profonde résistance inscrite dans ses ruelles,dans sa composition spatiale originelle, noyau dur et indestructible. Elle se tient debout face au monde et à la mer. Parce qu’elle est authentique. Parce qu’elle a la rage. Parce que son port. Et comment a-t-on pu sur ce qu’il ne peut y avoir de lieu plus fondateur que ce dernier, élever (ce mot appartiendrait plutôt au monde spirituel), procéder à une installation invasive sur son quai? objet d’architecte, marque d’une modernité et d’une empreinte personnelle. Sans vouloir en faire une ville musée, il faut au moins en respecter le lieu. Non décidément les bulldozers ne parviendront pas à l’installer dans un urbanisme-vecteur de la mondialisation. Là réside sa chance.

Danielle GIL, architecte, Chamalières, Conseillère régionale de l’Ordre d’Auvergne

 

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