Le logement et la fabrique de la norme

- par jean-Paul Cassulo. habiter la métropole

Si la culture architecturale se développe aujourd’hui chez les jeunes générations, c’est par la profusion visible des « coups » architecturaux, c’est par la construction talentueuse de projets que les architectes disséminent sur le territoire, c’est encore par la promotion télévisuelle de la décoration comme machine magique apte à produire du bonheur dans les appartements ou les petites maisons.

L’état n’a pas protégé les architectes depuis la Loi de 77 sur l’Architecture immédiatement amendée par le décret sur le seuil à 170 m2, et la Loi MOP qui fut une brillante saillie professionnelle. L’Europe a fixé les règles du marché comme structure économique et sociale seule apte à produire de la pertinence. Les fondations de Maastricht ont dessiné les contours de l’Euro comme ciment européen et délégué au marché – avec ou sans crise – la régulation de notre futur et de notre bonheur. Le territoire se dessine avec les infrastructures de transport et le quotidien avec l’architecture du logement comme lieu sédentaire de repli sur la géométrie fluctuante de la cellule familiale. L’Etat s’est retiré peu à peu de la chose architecturale comme de la chose publique. Faut-il s’en plaindre ?

Qui donc pour combler ce vide ?
Si les regroupements intercommunaux, les communautés d’agglos et les métropoles s’occupent des documents d’urbanisme, la nouvelle vestale de la production du logement c’est la norme. Enorme toile qui maille le territoire. Elle démultiplie sa présence dans les moindres recoins des logements pour assurer à l’usager la garantie que l’Etat est passé par là mettre sous tutelle le monde de dangerosité qui nous angoisse. Si les Eurocodes participent à l’harmonisation en marche de notre vieux continent, les normes inondent le logement sans cohérence ni pertinence réelle. Les énergies, les handicaps, les modes de financement du logement social normalisés ? L’économie du sol et l’architecture du logement continuent à résister pour le développement – souvent médiocre – de nos territoires périurbains. Alors, que proposer : le retour de l’Etat régulateur, l’inflation dans l’espace public d’une normalisation qui s’était arrêtée à la porte de la maison ou de la résidence ?

L’intelligence en temps de mutation ne serait-elle pas d’examiner l’inflation normative comme une cause partielle mais trop prégnante de la difficulté à produire des logements de qualité non incarnés par la norme, des logements en phase avec : la ville, les modes de vie et les pratiques des habitants ? De revisiter la question du mode de financement du logement social pour le requalifier dans son système tout entier ainsi que celle du foncier avec sa maîtrise comme condition au dessin de la ville, du logement et de l’espace public…

Le logement a longtemps été le lieu d’expérimentation, le laboratoire de la création architecturale à travers le thème de l’habiter qui a traversé toute l’histoire et partie celle de l’architecture. Réactivons le débat dans la profession, ouvrons-le à l’espace public et parlons avec les politiques.

jean-Paul Cassulo
Président du Conseil Régional des architectes Provence Alpes Côte d’Azur

Partagez

Commentez

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.