L’architecture à l’état gazeux…

- par Florence LOUP DARIO Architecte, Conseillère régionale de l'Ordre des architectes de PACA. habitat : mutations et innovations ?

Dans un environnement – contexte médiatique et hyper médiatisé (via internet), alors que de nombreuses publications (revues d’architecture, revues de déco, presse technique, médias etc…) palabrent sur l’architecture, de la Star-mania à l’architecture iconique en passant par la meilleure façon d’aménager son séjour, l’architecture est partout mais pas dans tous les logements. L’architecture est partout mais « évanescente » pour reprendre l’analyse de Yves MICHAUD (l’art à l’état gazeux, essai sur le triomphe de l’esthétisme ed Stock 2003) « Elle a une aura qui ne se rattache à rien ou quasiment rien ».

Evanescente parce que patchwork, évanescente encore parce que à force de contraintes et de normes l’architecte n’a comme seule solution la sublimation. Sublimation, mais quelle sublimation?

La sublimation freudienne, comme dépassement du désir? ou la sublimation du chimiste, passage de l’état solide à l’état gazeux ?

L’architecture à l’état gazeux est il le paradoxe du 21 ème siècle ?

L’architecture est partout mais ne perd-elle pas son propre fondement ? A savoir construire pour l’habitant, pour HABITER.

« Certains constatent la mort de l’Art avec un grand A, au sens où celui-ci ne remplit plus de mission claire, n’a plus de fin identifiable et se retrouve banalité dans le tout venant de la culture commerciale », cette assertion de Michaud a un amer parfum de vérité quand on l’applique à l’architecture, en particulier à celle du logement.

Empêtrée dans la gestion et la temporisation de l’inflation normative, l’architecture du logement peine à repenser ses devenirs, tant le poids des obligations règlementaires et les délais impartis, qui ne laissent plus de temps au temps pour penser (penser la ville, penser l’usage évolutif), l’ont asphyxiée.

N’y a-t-il pas trop d’intervenants dans l’acte de construire ? Si l’architecte semble le seul à même de faire la synthèse de toutes les contraintes et les problématiques, n’est ce pas pour cette même raison que son pouvoir (en termes de latitude de choix) est savamment grignoté ?

Phagocyté par les multiples compétences des bureaux d’études techniques, l’architecte n’est plus « chef d’orchestre » et maître des décisions mais le premier responsable désigné en situation sinistrale.

Chronophage, la quantophrénie étatique (tableaux excels en tous genres, analyse cycle de vie, simulation thermodynamique énergétique, maquette numérique etc…).

Chronophage aussi l’administratif d’un chantier. Suivi de chantier garant du maintien de l’essence du projet jusqu’à sa réalisation. L’architecte, malgré lui, n’a plus assez de temps pour le Projet. Projet en termes de Lumière, d’Espace, d’Usage, de Fonctionnement, d’Esthétique , en bref, en termes d’Habitabilité.

Le manque cruel de foncier ne permet plus de choisir une implantation au filtre des critères d’orientation bioclimatique et encore moins « genius loci ».

Malgré les appels du pied d’urbanistes, sur la nécessité de gérer le foncier à long terme, le rythme des mandats étant court-termiste, il est toujours plus aisé de repousser l’échéance de la gestion foncière…et de la densité.

Aujourd’hui force est de constater que nous voilà acculés à la restructuration d’espaces existants avec ce que cela implique d’énergie colossale (en comparaison avec la construction de quartiers neufs) et démesurée au regard des potentialités budgétaires. Les interventions haussmanniennes du second empire ont aéré la ville et permis à tous de bénéficier de normes « hygiénistes ». Faut-il inventer une typologie de restructuration draconienne en liaison avec la transition énergétique ? Certainement, encore faut il du temps pour réfléchir à des solutions qui intègrent, pas seulement l’ITE, mais en priorité le devenir de la ville et l’ « habiter mieux ».

Autrement dit, sommes nous encore capables de revenir au fondement de l’architecture, de repasser de l’état gazeux à l’état solide ? D’inverser le processus de sublimation ? De revenir à la condensation ?

Florence LOUP DARIO Architecte, Cavaillon, Conseillère régionale de l’Ordre des architectes de PACA

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Un commentaire au sujet de « L’architecture à l’état gazeux… »

  1. DELAFRAYE PHILIPPE

    Architecte - Ville > 50.000 habitants - 29000
    OK à 100% pour l’analyse.
    Mais 2 petites questions :
    1/ on fait quoi ?
    2/ on le fait comment ?
    Là, ça de vient intéressant.
    PH.D.

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