Construire et réhabiliter, l’urgence d’une autre politique

Nous avons un besoin économique et social d’une production continue de logements, en neuf comme en réhabilitation, seul secteur avec une réserve de demandes non satisfaite, source d’activité consommatrice de main-d’œuvre avec un effet multiplicateur dans l’industrie. Ce devrait être une merveilleuse aubaine pour doper une économie au ralenti.

Force est de constater l’inefficacité des politiques successives. Il faut créer des conditions pérennes pour que l’activité soit constante et durable.Les incitations doivent être cohérentes avec les besoins de la population comme avec leurs ressources.
L’alternance des plans de relance et d’austérité et les exigences excessives sont autant de freins à la construction ou la réhabilitation.

La loi ALUR est pleine de bonnes intentions, mais sa complexité devient un frein à l’activité. « Objectifs 500 000 », belle formule d’une action de concertation qui aura occupé pendant plusieurs mois tous les acteurs du monde du BTP, mais dont on peut craindre qu’elle ne produise que des mesures techniques mineures et surtout des effets d’annonce.

La rénovation représente un enjeu majeur à double titre :
Elle permet d’améliorer les conditions de vie des occupants en réduisant leurs charges (en locatif notamment). Elle créée une activité génératrice d’emplois directs et indirects au plus près des territoires.

Les mesures annoncées vont-elles enfin permettre de « massifier » les travaux ? RGE, ECOPTZ, ECOCONDITIONNALITE, la panoplie s’étend pour développer la rénovation thermique. Or le piètre bilan du nombre de chantiers entrepris démontre les limites d’une approche uniquement énergétique et complexe :La rénovation ne peut pas être uniquement énergétique, ce n’est qu’un des volets d’une approche qui doit être plus complète et qui doit permettre d’améliorer la valeur d’usage, le confort et engendrer une vraie plus-value patrimoniale.

L’opacité financière et fiscale

Inefficaces, les incitations fiscales sont limitées aux propriétaires occupants, ce qui n’incite pas à améliorer le parc locatif. Réservées à ceux qui payent peu d’impôts, elles n’incitent pas à investir ceux qui ont intérêt à défiscaliser ! Pire, l’éco-ptz doit s’arrêter fin 2014 et le CIDD (crédit d’impôt développement durable) fin 2015. Une usine à gaz créée pour quelques mois et un flou complet sur les politiques à venir !

Aucune lisibilité fiscale, des financements et défiscalisations qui changent chaque année, des informations inaccessibles, des instructions administratives au ralenti, les annonces médiatiques et les bonnes intentions ne suffiront pas à insuffler une dynamique économique.

Pour la rénovation comme pour le neuf, l’urgence d‘une autre approche politique

Le gouvernement doit instaurer une fiscalité enfin pérenne permettant d’orienter l’épargne vers la satisfaction des besoins de la population, inciter l’investissement locatif, soulager la pression fiscale sur les revenus fonciers, imposer l’accélération des instructions administratives, freiner la profusion normative et réglementaire contreproductive et simplifier ainsi la décision de construire.

Mais n’attendons pas tout de l’Etat, il nous faut une mobilisation de l’ensemble des acteurs et des collectivités !

Redynamisons les opérations programmées dans les centres anciens, opérations qui ont donné du travail, stimulé l’activité économique artisanale, et mis sur le marché des logements locatifs rénovés et abordables.

Il faut une production de logements guidée par une démarche qualitative et ambitieuse, que le foncier attribué au logement social ne soit pas celui sans valeur marchande pour la promotion privée, que l’ensemble des acteurs se réunisse dans chaque collectivité pour déterminer le développement urbain le meilleur pour la population, et que soient ainsi lancés de vrais projets de ville, capables de structurer une activité économique sur plusieurs années.

Pour cela, tous les acteurs, décideurs politiques, maîtrise d’ouvrage publique et privée, architectes et urbanistes, entrepreneurs, associations etcdoivent s’investir pour identifier les besoins non satisfaits, les dysfonctionnements, le foncier disponible ou préhensible et, in fine, le programme d’une reconstruction de la ville sur elle-même.

Ce sera l’occasion de redonner au politique son sens en s’engageant dans une stratégie de requalification de notre cadre de vie. Les élus doivent utiliser les moyens à leur disposition pour que la ville ne soit pas seulement produite par la course au profit mais par une évolution raisonnée et solidaire, non dispendieuse d’espace, écologique, innervée par des réseaux économes et performants.
Les outils existent, il faut la volonté et la compétence d’imaginer et d’entreprendre le futur, sans rester guidé par des échéances électorales.

Ce sera également l’occasion de démontrer que l’on peut soigner le cancer de la consommation foncière, l’équivalent d’un département urbanisé tous les dix ans, avec des entrées de ville défigurées par des hectares goudronnés autour de centres commerciaux issus de mode de consommation déjà obsolètes, des lotissements produits par un « idéal » du mode de vie familial au bilan tragique. Ces lotissements, guidés par la recherche de foncier à coût abordable, gagnent les communes de plus en plus éloignées des centres urbains, entraînant la multiplication des flux automobiles, l’augmentation des besoins en ramassage scolaire, des coûts de viabilité élevés, une pollution augmentée, du temps perdu dans les trajets etc.
La maîtrise du prix du foncier sur ces projets de ville, la multifonctionnalité, la conception urbaine motivée par l’obtention du mieux vivre et non du seul profit, éviteront la « boboisation » et l’envolée des prix constatée dans la plupart des écoquartiers.

Cela permettra aux promoteurs d’innover dans de nouveaux concepts de maisons de ville ou d’habitat collectifs à des prix abordables, nouveaux types d’habitat économe en contraintes mais généreux en qualité de vie. Les bailleurs sociaux démontreront qu’ils sont toujours novateurs, et, en choisissant leur projet sur concours, qu’ils sont toujours attachés à la recherche du meilleur projet pour les futurs locataires.

Ces projets de ville referont de la construction en France un creuset d’innovation mettant intérêt citoyen et qualité du cadre de vie comme axes structurants du développement économique et de la politique sociale.

Denis DESSUS, architecte

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