Pour introduire ma contribution, je souhaite citer « le mot du dimanche » extrait du blog L’abeille et l’architecte, qu’on doit à un architecte hollandais, Kamiel Klaasse. » Aussi loin que je fasse remonter ma propre expérience, je me rends compte que l’architecte est décidément sans pouvoir. Parce que nous jouons avec l’argent des autres, nous n’avons aucune autorité. [...] Depuis le début des années 1990, le marché dirige la manœuvre et il ne nous reste donc plus que la séduction. Ceci nous place dans la situation très inconfortable de la dépendance. L’architecte marie l’arrogance à l’impuissance ; nous sommes des mendiants et des vantards. «
Ce commentaire est bien entendu provocateur, mais je rappelle qu’il émane d’un architecte. Et pour ma part, je pense que cette autocritique décrit bien une certaine réalité, celle dans laquelle l’architecte s’est enfermé, ou s’est laissé enfermer, faute de se remettre en cause.
Arrogant oui, trop souvent sûr de lui, de son art, mais aussi de son bon droit, à revendiquer le recours obligatoire à l’architecte, la suppression du seuil, les barèmes, etc.
Le monopole, on l’a, il faut le défendre, bien sûr, pour l’intérêt public de l’architecture.
Il faut arrêter d’attendre tout de tous : l’Etat, l’Ordre, les maîtres d’ouvrage.
Il faut se remettre en cause, pour pouvoir évoluer et se rendre encore plus indispensable.
Descendre de notre piédestal aussi, être à l’écoute.
Mendiant aussi : preuve en est le niveau dramatique des rémunérations, de certains contrats, et la vassalisation à certains maîtres d’ouvrage qui profitent de la conjugaison de la crise et des règles de mise en concurrence mise à leur disposition par le cadre ultra-libéral actuel.
On est loin de la notion de partenariat entre l’architecte et son client. Et encore plus de l’intérêt public de l’architecture !
Mais le temps de l’architecte notable me semble révolu. Le monde a changé, et continuera de changer encore plus vite.
De grands bouleversements arrivent, je citerais le BIM, la réorganisation territoriale, … et j’en passe.
Ils ne doivent pas être des sujets d’inquiétude, au contraire, ce sont de formidables opportunités pour les architectes de démontrer leur légitimité, leur rôle.
Soyons tous des architectes citoyens …
Impliquons-nous dans la vie de nos communes.
Nous nous plaignons tous de l’étalement urbain, des lotissements sans âme avec raquettes de retournement. Mais que faisons-nous, que proposons nous ? Comment contrer la métropolisation annoncée de l’habitat ?
Le souci d’un maire, c’est de répondre à la demande de ses administrés de pouvoir acquérir un logement, construire une maison.
Souvent, la seule réponse qui lui est apportée vient des lotisseurs, des promoteurs qui le sollicitent pour mettre à leur disposition un terrain ou un site.
On connaît la suite, et on en mesure aujourd’hui les conséquences désastreuses sur le paysage, les déplacements, etc.
Mais le maire n’a pas d’autres alternatives, et il répond au besoin.
Dans ce scénario du laisser-faire, l’architecte grapille au mieux une ou deux maisons pour des clients éclairés, ou tout simplement plus aisés.
Pourquoi ne sommes-nous pas présents, et en mesure d’aider les maires à résoudre leur équation, en leur proposant des solutions d’habitat écologique, respectueuses du village, de la ville et plus généralement du cadre de vie ?
Les éco-quartiers, l’habitat participatif sont des réponses que nous maitrisons et que nous pouvons proposer. A nous de susciter la commande plutôt que de l’attendre.
Dans le même ordre d’idée, la mise en place toute récente de nouveaux élus locaux, et les futures lois qui confèrent aux communautés de communes la compétence de l’urbanisme et l’instruction des permis de construire constituent le bon moment pour inciter à ce qu’un architecte-conseil les assiste dans ces missions.
Les maires, non sachants, doivent pouvoir s’appuyer sur nos compétences et notre disponibilité.
Il est plus que jamais question de l’intérêt public de l’architecture.
… et arrêtons d’être de bons petits soldats
Comment concilier performance énergétique et cadre de vie ? En revenant au bon sens !
A force de chercher la performance énergétique, comme une espèce de graal, à coup de calculs, de logiciels, et d’essais en tous genres, on a volé le crayon aux architectes, qui ont oublié qu’ils travaillent pour des gens, des humains.
Ces mêmes gens qui ennuient, qui empêchent d’atteindre les performances attendues : ils ouvrent les fenêtres, ils chauffent à 21° au lieu de19°. Et on entend même dire qu’il va falloir « éduquer les gens » !
C’est là que j’appelle mes confrères à arrêter d’agir en bons petits soldats, qui mettent en œuvre des règles, imposées, certes, mais dont les conséquences nous seront reprochées dans les années à venir, lorsque malheureusement on aura collectivement pris conscience des dégâts sanitaires et psychiques engendrés par nos bâtiments-thermos par exemple.
Les désordres et sinistres déjà visibles en Allemagne ou en Autriche devraient pourtant nous aider à remettre en cause un certain nombre de dispositions qui ne profitent au final qu’à certains industriels, et, bien sûr, à nos pétroliers.
Lorsqu’on parle aux gens d’économie d’énergie, ils entendent économie d’argent. Mais c’est un leurre, puisque, si effectivement ils consommeront probablement moins, ils dépenseront cependant toujours autant, voire plus, pour l’achat de leur énergie, dont le prix ne cessera d’augmenter.
Ce qui a le double avantage pour les pétroliers de dégager encore plus de marge par baril raffiné, mais surtout de préserver leur fond de commerce, c’est-à-dire les ressources en pétrole, pendant de nombreuses années encore, rendant donc moins urgent le développement massif des énergies renouvelables. Plus gravement, il deviendra de plus en plus rentable d’exploiter des gisements de pétrole « sale », comme les sables bitumineux de l’Alberta au Canada, au coût environnemental désastreux, et donc à contre-sens de l’objectif initial.
En clair, la performance énergétique profite en premier lieu, et immédiatement, aux grands groupes industriels, mais également à l’explosion de tous les certificateurs, labellisateurs, contrôleurs, et autres diagnostiqueurs.
Ensuite, probablement, au cadre de vie…
Renzo Piano parlait du « devoir de désobéissance ». Les architectes revendiquent leur rôle sociétal : qu’ils l’assument !
Vive l’Architecture (et ceux qui la font) !
Eric Wirth, architecte, Président du Conseil régional de l’Ordre des architectes d’Aquitaine
Architecte - Métropole - 10120
Merci Eric Wirth
L’Architecture est le reflet d’une société…d’une civilisation
c’est la manière d’échanger,de vivre et de mettre ensemble notre savoir.une manière de se comprendre ,de s’exprimer en tenant compte de tous les énergies d’un territoire:c’est le résultat d’une culture humaniste
L’Architecte , est un des premier responsable et non un simple technicien de l’architecture
Architecte - Village - 59182
Oui Eric, l’architecte est un être social avant tout. Non Eric, l’architecte cireur de pompes, n’apportera pas plus de crédit à la profession, qu’il n’en obtient par son travail. Revendiquer le recours obligatoire à l’architecte, la suppression du seuil, et mesquinement un barème, voilà qui est selon toi est l’arrogance des architectes? Maîtriser le BIM, et nous en remettre aux énergies renouvelables, notre nouvel Eldorado? Je pense que l’architecte est avant tout un poseur de vérités.
Assumons en tant que représentation de notre profession, d’être les 1ers responsables de ses difficultés. Pour le reste nous en reparlerons sur site.
Architecte - Village - 09110
Je partage cette carte de Kamiel Klaasse. Il est vrai que nous ne disposons pas des moyens financiers pour réaliser. Ce qui nous reste, notre verve et notre volonté de changer dans le bon sens, les modes de vie. Ils nous est cependant bien difficile de faire fi de cette dépendance avec ceux qui détiennent le pouvoir, donc les finances, tout comme les gouvernements actuellement pieds et mains liés avec les grandes entreprises. C’est donc de ce côté qu’il faut certainement nous adresser, aussi.
Architecte - Ville < 50.000 habitants - 85340
Eric Wirth, tu es un confrère, certainement pas en deux mots, et tu mérites le respect pour tes hautes fonctions qui te donnent autorité. Alors, quand tu nous assènes tes quatre vérités, les conséquences sont lourdes et tu ne devrais pas parler comme dans une discussion de comptoir, en jouant, qui plus est, le mauvais rôle.
Ta citation me gêne, tes conclusions m’horripilent.
« L’architecte » (guillemets dans le bon sens) doit être manié avec doigté. S’il définit tous les architectes de la terre, qui exercent leur métier, parfois dans les pires conditions, il ne peut être qualifié d’arrogant ni de vantard ; ces deux mots sont à réserver à ceux qui se regardent le nombril et qui gravitent dans une toute petite sphère qui n’intéresse pas la grande majorité des architectes.
« …une certaine réalité… dans laquelle l’architecte s’est enfermé… faute de se remettre en cause. » Quelle condamnation, en apparence ! Mais que signifient donc ces mots ? Que veulent donc ces gens qui contestent que l’on veuille que le droit soit appliqué dans toute sa rigueur, que la loi ne soit pas bafouée et détournée de ses objectifs premiers ? Se remettre en cause… Veut-on que l’on reconsidère le métier ? J’attends en vain qu’on nous fasse la démonstration que ce discours démobilisateur, qui prétend que beaucoup d’architectes sont la cause première de leurs difficultés, ait un sens. Que peut chaque architecte, noyé dans son boulot, face à l’incompréhension destructrice de la société ?
La réalité, c’est que la population française ne connait rien au métier d’architecte et ne conçoit ses rapports avec ce dernier qu’à travers des images déformées et une multitude de faux préjugés. Cette réalité a de funestes conséquences tant vis à vis des porteurs de projet que dans l’établissement de la loi. Il est grand temps d’INFORMER ! Collectivement. Un simple A4 diffusé dans toute la France pourrait révolutionner les habitudes de pensée. C’est mon idée ; je la partage (archimibonneau@orange.fr).
« Le souci d’un maire, c’est de répondre à la demande de ses administrés de pouvoir acquérir un logement, construire une maison. » Faux, sauf peut-être dans les grandes villes. Il me semble au contraire que partout ailleurs les maires voient dans leurs intérêts de maintenir ou, le plus souvent, d’accroître la population de leur commune ; c’est donc « futurs administrés » qu’il aurait fallu écrire. En plus, généralement je crois, la demande pressante de nombre de leurs électeurs est de favoriser la vente de leurs terrains ou logements au plus offrant. Les maires cèdent ainsi trop souvent à la tentation de laisser faire la pression foncière et immobilière, d’où des POS puis des PLU qui ne maîtrisent pas l’aménagement urbain.
« A nous de susciter la commande plutôt que de l’attendre. » Je me répéterais ; que peuvent faire des individualités contre l’état actuel de délabrement culturel si répandu chez nos maires ? Je me permets de te rappeler ton introduction : l’architecte sans pouvoir. N’oublions qu’ils sont les représentants de leurs électeurs. C’est donc à la base qu’il faut travailler, collectivement, si l’on veut imprégner les mentalités ; non seulement à travers l’école, mais dans tous les foyers. Autrement, comment les maires s’appuieraient-ils s/ nos compétences et notre disponibilité ( ! ) s’ils n’en éprouvent pas le besoin et si leurs intérêts sont ailleurs ?
Ton serviteur, Michel BONNEAU, architecte à Olonne-sur-mer, en Vendée.
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Architecte - Métropole - 33100
Comment pouvons nous imposer nos rêveries, et les faire financer par nos commanditaires? Pas possible. Le marché est serré, et on peut toute à fait réaliser des m2 sans achitecte, donc encore plus important de revendiquer ses valeurs rajoutés en tant qu’architecte. Que-est ce qu’on va facturer? Pas de l’art ou de l’artistique (peut-être une fois sur 50 commandes.. ou en marge du travail de coeur), pas non plus par la socio-géographie, c’est trop improbable. Nosu sommes prestataire de service, point. Puis si on fait bien notre boulot, on peut amener une plus-value architecturale. Et pas dans le sense inverse. Bravo Eric Wirth pour une message dur, mais claire.